Le projet d’édition des Inscriptions antiques de Césarée de Maurétanie (Cherchel, Algérie) a été initié en 2010 par Philippe Leveau, professeur émérite d’archéologie à l’Université d’Aix-Marseille. Il a pour objectif de publier tous les textes épigraphiques, grecs et latins, de l’ancienne capitale de la province romaine de Maurétanie Césarienne. L’épigraphie de Césarée présente des inscriptions gravées entre l’époque des rois Juba II et Ptolémée et l’Antiquité tardive et chrétienne. Elle se distingue par sa richesse quantitative (quelque 1300 textes) et qualitative (avec des catégories d’inscriptions très diverses : dédicaces, hommages, épitaphes, etc. gravées sur des supports variés et parfois accompagnées de reliefs).
L’équipe d’édition du corpus, composée d’une dizaine d’épigraphistes appartenant à plusieurs universités et laboratoires de recherche (Aix-Marseille, Grenoble, Lyon, Montpellier, Paris, Poitiers), s’attache – avant de pouvoir mener des investigations de terrain – à étudier le corpus des inscriptions publiées depuis le XIXe siècle, en se fondant largement sur la connaissance du site acquise par Philippe Leveau et sur la riche documentation qu’il a réuni à son sujet.
En réponse à une demande des chercheurs impliqués dans l’opération éditoriale pour faciliter le partage de l’information au sein du groupe dont les membres sont géographiquement distants, nous avons mis en place un outil informatisé de gestion du corpus des inscriptions. Il permet en effet de regrouper les données en un contenant unique, de les gérer et bien entendu de les exploiter grâce aux requêtes. L’objectif principal, dès la conception de la base de données, intitulée EpiCherchel, a été de porter nos efforts sur la structuration de l’information et sur la possibilité d’enrichissement collaboratif des données par l’ensemble de l’équipe d’épigraphistes travaillant sur le dossier.
La base de données relationnelle a été élaborée avec le logiciel MS Access, diffusé en AccessWeb sous Sharepoint. La base est en ligne et accessible dans un premier temps aux seuls membres du projet éditorial. Le choix de la modélisation et des outils fut opportuniste. Il s’est fait en adéquation avec nos compétences, et celui de l’outil répond aux choix technologiques du Service informatique de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme qui héberge le système d’information. La solution propriétaire peut apparaitre de prime abord comme contestable dans la sphère des Humanités numériques, plus proche des applications Open Source. Toutefois, il nous est apparu intéressant de ne pas se focaliser sur l’outil. L’avantage fut d’entamer rapidement la réflexion sur la modélisation des informations épigraphiques et d’arriver ainsi à une informatisation rapide des données. De plus, l’architecture de la base de données peut être implémentée dans un autre SGBD (Système de gestion de base de données) et l’ensemble des données mis en correspondance avec d’autres modèles.
La structuration de l’information a été réalisée en collaboration avec les chercheurs et en s’appuyant sur les bases existantes dans le domaine à l’échelle internationale : Inscriptions of Roman Tripolitania (King’s College de Londres), Inscriptions of Aphrodisias Project (King’s College de Londres) et plus particulièrement celles qui alimentent les collections du projet fédérateur EAGLE (Electronic Archive of Greek and Latin Epigraphy) : Hispania Epigrafica (Université d’Alcala et de Salzburg), PETRAE (Ausonius), ou encore Epigraphic Database Heidelberg (Heidelberger Akademie des Wissenschaften) et Rome (Université Sapienza). En se référant à ces différents projets, nous souhaitions nous inscrire dans le « paysage » actuel des recherches épigraphiques et ainsi permettre l’échange des données.
L’unité documentaire est, de façon classique, l’objet portant une inscription. Les informations sont traitées en deux grandes catégories : le support matériel de l’inscription (plaque, stèle, sarcophage…) ; l’inscription et son analyse.
A l’intérieur de ces grandes catégories, l’information est répartie par champs (numériques, vocabulaire contrôlé, rédaction libre) de même nature :
-données sur la documentation de l’objet : publication originelle, numéro de corpus, illustration (numéro des négatifs numérisés)… ;
-données géographiques sur le lieu de conservation et sur le lieu de découverte avec différents niveaux de précision qui vont nous permettre de lier des cartes afin de visualiser les données spatialisées et d’offrir un autre mode de recherche par zones géographiques précises puisque nous nous situons à l’échelle d’une cité et de son territoire ;
-données sur la datation ;
-données matérielles sur le support : nature et dimensions ;
-données sur le rédacteur de la fiche et les modifications qu’il pourrait y porter pour avoir une traçabilité de l’information.
-description et analyse paléographique ;
-version diplomatique, développée et traduction de l’inscription, apparat critique et commentaire.
Chaque fiche intègre des références bibliographiques et des illustrations de l’inscription sous la forme d’une vignette et d’une galerie avec un lien hypertexte sur les images en haute définition archivées dans la photothèque du laboratoire. A terme, l’ensemble de la documentation pouvant porter un éclairage sur l’analyse des inscriptions sera liée.
La base de données de travail compte à ce jour environ 1000 enregistrements. Ces enregistrements ont été saisis par Lucile Delavault dans le cadre d’une vacation MASA à partir des notes et archives de Philippe Leveau et des fiches envoyées par plusieurs épigraphistes du projet. Les chercheurs disposent à présent d’un accès propre afin de saisir eux-mêmes leurs données. Chaque fiche présente des analyses récentes et validées par les chercheurs qui la signent.